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Etudiante en Information-Communication à l'Université Paris VIII

mercredi 25 décembre 2013

"La belle vie" : l'épopée légère d'une liberté particulière

Jean Denizot nous livre ici son tout premier long métrage après 2 ans d'écriture et de réalisation. La belle vie : adaptation très personnelle de la célèbre et médiatisée Affaire Fortin survenue en 1998. Longues errances romancées, premiers amours et musiques douces : histoire légère pour un lourd fait divers.
 
Xavier Fortin, tout juste divorcé de sa femme, décide de « kidnapper » ses deux fils (dans le film : Sylvain et Pierre), alors sous la garde de cette dernière. Les deux frères ne sont pas forcés de partir, ils sont tout à fait consentants. Parler alors d'un kidnapping n'est pas mince affaire lorsque celui-ci désigne en fait la conséquence, certes, quelque peu excessive d'un amour fusionnel entre un père et ses fils. Ils erreront tous les trois à travers l'Hexagone traînant de maisons déshéritées en tentes à peine plantées pendant plus de 10 ans. Alors âgés de 6 et 8 ans au moment des faits, les deux frères grandiront à l'état sauvage, sans autre éducation que celle inculquée par leur père. Ils n'iront pas à l'école et commenceront à travailler très tôt : tantôt vendeurs de fromages sur les marchés tantôt pêcheurs le long des rivières, ils ne dévoileront jamais leur réelle identité à leur voisinage sans cesse provisoire. Leur liberté ne sera qu'apparente ; La France : une prison immense à ciel ouvert ; L'horizon : d'infinies frontières. Excédés par leur marginalité, les deux jeunes ayant grandi, voudront s'émanciper et quitter leur père. L’aîné sera le premier, le cadet rencontrera lors d'une situation cocasse au bord de la Loire, une jeune fille à la casquette révolutionnaire brodée d'une étoile rouge : Gilda, qui révolutionnera tout autant sa vie. L'histoire commence à leur adolescence, elle finira brutalement lors d'une décisive rencontre...
 
 
Des paysages verdoyants à perte de vue, faisant étrangement penser aux peintures romantiques d'un certain Caspar David Friedrich, des situations visuelles à l'esprit frais et bucolique à la manière d'Une partie de campagne devenue classique ; En somme, une esthétique naturelle, voire naturaliste qui nous révèle de la part du novice réalisateur un réel travail et une grande sensibilité. En passant par les hautes montagnes des Pyrénées Atlantiques pour atterrir le long du plus large fleuve de France, celui-ci nous fait voyager et rêver à travers l'immensité et la variété du territoire français.
 
 
C'est sans doute cette qualité d'image peut-être « trop » imposante qui finira par empiéter sur la part créatrice du film. Déjà basé sur un fait réel d'une intensité authentique, La belle vie est dénué de dialogues recherchés et représentatifs pouvant révéler les personnalités de chacun des personnages. Peu naturels et parfois ancrés au discours théâtral de leur formation initiale (notamment Nicolas Bouchaud jouant le père), nous pouvons croire que leur part d'improvisation et d'intuition quant à leur jeu est quasiment nulle. De plus, Jean Denizot avoue lui même avoir choisi le nom de ses personnages par pur hasard ou par simple goût. Est-ce encore une preuve d'un certain problème d'investissement ou simplement un choix qui n'aurait, selon lui, aucune conséquence sur l'impact du film ? Oser supposer que le choix même de l'exploitation de ce sujet soit survenu à la suite d'une quotidienne et banale revue de presse n'est pas non plus délirant. Semblant détaché réellement du détail de l'affaire, il se pourrait que Denizot n'ait voulu utiliser simplement que le fond du kidnapping et du road trip, thèmes excitants et prolifiques, pour en modifier et en personnaliser intimement la forme. Il s'approprie ce fait divers à tendance dramatique pour en faire une épopée légère et distancée. Un souffle de perpétuelle légèreté et d'insouciance traverse la narration d'un film plus romancé que documenté. Le choix de l'auteur étant de ne sélectionner qu'une part minime de l'émancipation des jeunes garçons, il délaisse nombre de péripéties qui pourraient nous sembler, à nous spectateurs conscients du fait réel, importantes à introduire au sein du film. Est-ce dommageable ou au contraire intéressant du fait de la pulsion interrogative que ce manque induit à notre imagination ?

 
Le film au caractère sans doute épuré nous parle néanmoins d'un réel fait de société : celui du passage à l'âge adulte et de la question de l'émancipation, avec cet obstacle, ce danger en plus : le devoir de vivre caché, en marge et en lutte contre cette société. Un devoir qui, au départ était un choix. Le regret, la frustration, le désir de tout recommencer teinte finalement ce film de plein d'idéaux et d'espoir. La belle vie, un premier film tout de même novateur au nom d'apparence simpliste mais doté d'une image métaphorique forte et provocatrice : celle de l'ironie. Leur seule vie heureuse n'était finalement qu'illusion lorsque leurs esprits encore jeunes voyaient en leur père leur Dieu absolu, créateur et maître de toutes ces terres parcourues. Pour ces jeunes hommes à présent adultes et à la recherche d'une certaine stabilité, La belle vie est aujourd'hui un rêve et non une réalité.

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